Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/108

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influencer aussi peu que possible les propriétés des objets qu’il scrute et le cours des événements qu’il observe ; alors seulement le monde extérieur commença de lui révéler ses secrets et lui livra de la sorte, en même temps, les moyens de plier la nature à son service, moyens qu’il n’avait jamais réussi à découvrir par la voie directe : nous en avons déjà rencontré plus haut quelques exemples.

Or ce qui vaut dans le domaine de la nature, ne peut que se trouver juste d’abord pour la vie de l’esprit. Le fondement et la condition préalable de toute science véritable et féconde est l’hypothèse, indémontrable à vrai dire en logique pure, mais que la logique ne pourra non plus jamais renverser, de l’existence d’un monde extérieur, subsistant aussi, complètement indépendant de nous et duquel nous ne pouvons directement prendre connaissance par nos sens particuliers, mais seulement comme s’il s’agissait d’un objet étranger, observable seulement à travers des lunettes qui le revêtiraient, pour chaque observateur, d’un coloris quelque peu différent. Il ne nous viendrait guère à l’esprit, en pareil cas, d’attribuer à nos lunettes toutes les propriétés de l’image par nous perçue, bien plus, nous apporterions alors le plus grand soin à tenir compte, autant que possible, pour nous former une opinion sur cet objet, des colorations produites par les lunettes : de même, avant tout, pour penser d’une façon véritablement scientifique, nous sommes tenus de reconnaître et de maintenir jusqu’au bout la distinction entre le monde extérieur et le monde intérieur.

Justifier spécialement ce saut dans le transcendantal, c’est de quoi les sciences particulières ne se sont jamais préoccupées et elles ont bien fait. Premièrement, en effet, elles n’auraient certainement pas, sans cela, progressé si vite et, secondement, ce qui est d’une importance fondamentale encore plus grande, elles n’ont pas à craindre qu’on s’en prévale jamais contre elles avec succès, dès lors que des questions de ce genre ne peuvent aucunement se résoudre par des procédés rationnels.

Certes, la maxime positiviste que l’homme est la mesure de toute chose, est irréfutable en tant que l’on ne peut empêcher personne, en, vertu de principes logiques, de rapporter toutes choses à cette mesure humaine et de