Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riquement constatées, on ne les attribue pas à une violation de la loi de causalité, mais à l’insuffisance de nos connaissances en ce qui concerne les conditions sur lesquelles repose l’application de la règle, et la science n’a ni cesse ni repos qu’elle n’ait fait là-dessus d’une façon ou d’une autre la lumière. Il n’est pas rare alors, qu’en éclairant ce point, elle éclaire en même temps à l’improviste d’autres questions qui s’y rattachent et qu’elle constate ainsi dans une nouvelle direction les effets de l’interdépendance causale universelle. C’est la voie qui a conduit à mainte découverte importante.

Comment distinguer cependant l’interdépendance causale d’une simple régularité, toute extérieure, d’une succession constante de faits ? Il n’existe généralement pour cela aucun critérium décisif. Ce que l’on peut établir, ce n’est jamais, en fin de compte, que l’application universelle et sans exception d’une loi qui nous permet de prédire avec assurance les effets que doit produire une cause donnée.

Une anecdote contée, si je ne m’abuse, par Benjamin Franklin, illustre assez joliment ce que je viens de dire. On sait que Franklin ne fut pas seulement un grand homme d’État, mais aussi un naturaliste et un inventeur de génie. À une certaine époque, il eut l’occasion de s’occuper du problème de la fertilisation artificielle du sol par les engrais. Il en prévoyait clairement l’importance pour l’agriculture et il avait déjà obtenu quelques succès pratiques avec un engrais au plâtre. Il ne put toutefois réussir de longtemps à convaincre ses voisins, hostiles à toutes les nouveautés que la végétation luxuriante de son champ de trèfle avait pour cause première l’engrais artificiel. À la fin, il se rabattit pour le leur prouver par le fait, sur le procédé que voici : Au temps des semailles, il traça sur le sol en bêchant son champ de trèfle, des sillons linéaires, étroits et longs auxquels il donna la forme de grandes lettres et il les garnit d’un engrais riche tandis que tout le reste du champ restait sans fumure. Lorsque plus tard le trèfle leva, il poussa particulièrement haut et dru sur les lignes fumées et l’on put lire distinctement de loin sur le champ en grosse écriture de trèfe ces mots : « Cet endroit a été fumé avec du plâtre ».