Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/118

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l’esprit et chaque anneau de cette chaîne est soudé au suivant tout aussi bien qu’au précédent, par une causalité rigoureuse.

Les tentatives, à vrai dire n’ont pas manqué, pour rompre l’interdépendance de ces anneaux. C’est ainsi qu’Hermann Lotze, en opposition consciente contre Kant, à présenté avec insistance cette théorie qu’une telle chaîne de causes a beau n’avoir pas de fin elle peut avoir un commencement, en d’autres termes, il arrive d’après lui, surtout dans les têtes ou repose un esprit aux facultés créatrices, que surgissent, en certains cas, des motifs qu’aucune cause extérieure ne conditionne et qui ne tiennent que d’eux-mêmes leur efficacité, de telle sorte qu’ils forment l’anneau initial d’une nouvelle chaîne de causes.

S’il pouvait réellement se produire quelque chose de tel, l’incessant travail de la recherche scientifique en ce point devrait pourtant réussir, en un cas quelconque, et ne serait-ce qu’une fois à démontrer enfin que c’est là, à tout le moins, une chose croyable. Or, jusqu’à présent, on n’a rien pu découvrir nulle part à quoi se puisse accrocher l’existence de ces prétendus commencements libres. Au contraire, plus la science a pénétré profondément et en détail dans la genèse même des grands mouvements spirituels de l’histoire mondiale, plus clairement elle a toujours mis en lumière la causalité qui les conditionne, leur dépendance des facteurs qui les précèdent et les préparent, et l’on peut dire, précisément à ce sujet et dès aujourd’hui, que, réciproquement, la recherche scientifique a pour racine des considérations causales et que la connaissance scientifique présuppose comme condition première l’admission d’une causalité sans exception, d’un déterminisme intégral.

Il est aisé de comprendre que nous ne pouvons borner les conséquences de cette conclusion à aucune frontière déterminée et qu’il ne nous est pas permis d’hésiter à l’étendre, même aux productions les plus élevées de l’esprit humain. Nous devons ainsi avouer sans hésitation que, même l’esprit de nos plus grands maîtres, l’esprit d’un Kant, d’un Gœthe, d’un Beethoven, au moment même de ses plus hautes envolées et de ses élans spirituels les plus profonds, les plus intimes, subissait les contraintes de la