Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/119

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causalité et n’était qu’un instrument aux mains de la toute-puissante et universelle loi.

Une pareille affirmation à l’égard de ce que notre admiration et notre respect placent au rang le plus élevé et le plus noble parmi les créations du genre humain, pourrait aisément passer pour un blasphème aussi intolérable que gratuit si, d’autre part, nous n’avions à mettre en regard pour nous, simples mortels, cette considération que nous n’allons pas bien loin sans cesser de pénétrer en ses infinies délicatesses l’interdépendance causale dont il s’agit ici ; et que la différence entre le point de vue plutôt descriptif qui nous est imposé et le point de vue réellement strictement causal doit être encore bien plus considérable que la différence existant entre les méthodes macroscopiste et microscopiste du physicien qui pourtant, toutes les deux, présupposent la stricte application de la loi de causalité.

Mais alors, car on pourrait fort bien se poser ici la question, à quoi bon parler d’une interdépendance causale précise ? Cela a-t-il encore un sens si personne au monde n’est en état de la saisir réellement comme telle ?

C’est ici que se manifeste d’une façon particulièrement sensible la nature propre de la causalité. Oui, vraiment, ce mot a encore un sens, la causalité est en effet transcendentale et nous nous sommes amplement étendus sur ce sujet ; elle est tout à fait indépendante de la manière d’être de l’esprit qui cherche, bien plus, elle conserverait son importance, si tout sujet capable de connaître venait à faire complètement défaut. Dans le cas qui nous occupe, voici quel est le sens intelligible de l’interdépendance causale.

On peut parfaitement concevoir et peut-être n’est-il pas du tout invraisemblable que notre intellect humain ne soit pas le plus haut, mais qu’il se trouve en quelque autre lieu ou à quelque autre époque des êtres dont l’intelligence dépasse la nôtre d’aussi loin que la nôtre dépasse, par exemple, celle des infusoires. Il pourrait très bien arriver que pour les regards pénétrants d’un tel esprit capable de suivre en détail, aussi bien les plus fugitifs éclairs de pensée que les modifications les plus délicates des ganglions cérébraux de l’homme. (Émile du Bois-Reymond, dans un de ses discours bien connus, l’a nommé