Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/128

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jamais savoir si des suites aussi heureuses d’actes passés ne se manifesteront pas à nous seulement dans l’avenir. Oui, en principe, rien ne nous empêche d’admettre qu’elles se produiront tôt ou tard dans tous les cas, bien que nous n’en ayons pas chaque fois connaissance. Aucune science, aucune logique, ne peut repousser une telle conception et elle ne saurait être mieux exprimée que par cette parole de saint Paul : « Pour ceux qui aiment Dieu, toutes choses tournent nécessairement au mieux. » Quiconque parvient à s’élever à cette façon d’envisager la vie, en vérité doit être tenu pour heureux. De même qu’il reste en effet constamment ouvert à tout ce qui est bon et beau et qu’il peut rencontrer à toute heure chaque jour, de même il est en droit de se considérer comme invulnérable désormais à tous les maux qui peuvent l’atteindre en cette vie toujours changeante.

Ainsi, la science, à la conduite de laquelle nous nous étions confiés, nous a enfin menés jusqu’à la limite de sa capacité de servir ; mais, justement, dès lors qu’elle nous montre elle-même cette limite et la reconnaît, elle est, par là même, en droit d’exiger, de son côté, que l’on reconnaisse et que l’on respecte les domaines sur lesquels, elle seule, est faite pour régner. Science et religion ne forment pas, en vérité, une antithèse, mais elles ont besoin de se compléter l’une l’autre en tout homme qui réfléchit sérieusement. Ce n’est certainement pas par hasard que les plus grands génies de tous les temps furent aussi profondément religieux par nature, encore qu’ils n’aient pas aimé à donner en spectacle leur Saint des Saints. C’est seulement par le travail simultané des forces de la raison et des forces de la volonté que la philosophie produit son fruit le plus mûr, le plus délicieux : « la morale ». Car la science elle-même met au jour des valeurs morales ; avant tout, elle nous enseigne la véracité et le respect. Véracité dans la perpétuelle poussée du progrès vers une connaissance toujours plus exacte du monde qui nous entoure et du monde de l’esprit ; respect devant le regard méditatif longuement fixé sur le mystère éternellement insondable, le divin mystère que recèle notre propre cœur.