Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/134

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criait fort. Devant la violence d’attaques qui n’épargnaient personne, Adolphe von Baeyer fit ce qui convenait dans de telles circonstances ; il se tut et continua de travailler jusqu’à ce que le succès lui donnât raison. Aujourd’hui nous revoyons un état de choses semblable à propos du modèle de l’atome de Niels Bohr qui, à vrai dire, exige de la part des théoriciens une dose de bonne volonté bien plus grande que n’en demandaient les hypothèses de la chimie structurale.

Mais, c’est au point de vue philosophique que les puristes se placèrent pour s’opposer obstinément pendant des dizaines d’années aux progrès de la théorie atomique. Ici il convient de nommer avant tout autre Ernest Mach qui, inlassablement et durant toute sa vie, ne cessa pas de déployer toutes les ressources de son analyse conceptuelle et aussi de son ironie mordante, pour jeter le discrédit sur les opinions naïves et grossières qui, selon lui, étaient celles des atomistes. Ces opinions, pensait-il, étaient singulièrement en opposition avec le progrès philosophique, par ailleurs évident, de la physique moderne.

Contre ces attaques, les partisans de la théorie atomique, au premier rang desquels figurait Ludwig Boltzmann, se trouvaient dans une situation difficile ; car, par des moyens logiques, on ne peut rien contre les puristes, tout simplement parce que ceux-ci admettent tout ce qui découle des axiomes par voie de conséquence logique : ce qu’ils rejettent c’est l’intrusion d’axiomes étrangers et nouveaux, surtout si ces derniers ne sont pas condensés en formules définitives et d’une application générale. Malheureusement, il n’est pas un seul axiome qui ait vu le jour sous une forme bien définie et qui soit sorti en cet état du cerveau de son inventeur, telle Pallas Athéné sortant toute armée de la tête de Jupiter. L’axiome ne possède tout d’abord qu’une vie plus ou moins incomplète, il flotte plus ou moins confusément dans l’imagination créatrice de son inventeur et, souvent, ce n’est qu’après un travail pénible qu’il naît officiellement en prenant une forme scientifique utilisable. De plus, une fois même qu’il a conquis le droit de cité, il s’en faut de beaucoup que le puriste s’avoue vaincu. La question de savoir si un axiome remportera définitivement la victoire est, en effet, de celle qui ne peuvent pas être