Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/145

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dépasse même le domaine de la science, elle s’élève à celui du beau et du bien.

Mais je m’aperçois que je suis en danger de m’écarter de mon sujet car je ne m’étais pas proposé d’exposer des thèses pour les prouver ensuite. Ce que je voulais c’est laisser parler eux-mêmes certains faits appartenant à la physique, en me réservant de les faire suivre de quelques considérations générales.

Pour finir, il me reste à examiner une question qui s’impose mais qui n’en est pas moins fort captieuse. Qui pourrait nous garantir qu’un concept, auquel nous attribuons aujourd’hui un caractère absolu, ne devra pas être considéré plus tard comme relatif, en se plaçant à un point de vue nouveau et céder la place à un autre absolu de caractère plus élevé. À cette question il n’y a qu’une réponse : D’après tout ce que nous savons personnellement et ce que nous avons appris, il n’y a personne au monde qui puisse nous donner une telle assurance. Bien plus, nous devons tenir pour très certain que jamais nous ne parviendrons à étreindre véritablement l’absolu. Ce dernier n’est bien plutôt, pour nous, qu’un but idéal ; nous l’avons toujours devant les yeux, mais nous ne l’atteindrons jamais. Certes, c’est là une pensée attristante, mais de laquelle il faut bien nous accommoder. Il en va de nous comme d’un alpiniste gravissant une pente inconnue ; jamais il n’est sûr qu’il n’y a pas, derrière la cime vers laquelle il tend de tous ses efforts, un autre sommet encore plus élevé. Sa consolation, comme la nôtre, sera de se dire qu’il va de l’avant et monte toujours plus haut et ainsi se rapproche toujours du but tant désiré. Poursuivre toujours sa marche d’approche et serrer le but de plus près, telle est la tâche propre et incessante de toute science. C’est pourquoi nous répéterons, après Gottfried Ephraim Lessing : « Ce n’est pas la possession de la vérité qui fait le bonheur du savant, c’est l’effort qui le porte dans le sens du succès ; car tout arrêt fatigue et énerve à la longue ». Toute vie saine et vigoureuse s’épanouit par le travail et dans le progrès « du relatif vers l’absolu ».