Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/207

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pourront en effet s’exprimer que d’une manière beaucoup plus compliquée en adoptant le langage de Ptolémée. Copernic serait donc un inventeur génial et non pas le pionnier qui a découvert une voie nouvelle. Le positivisme ne tient aucun compte du bouleversement des esprits opéré par les idées coperniciennes, aucun compte des luttes acharnées qui en ont été la conséquence, pas plus qu’il ne tient compte des sentiments de silencieux respect éveillés par la contemplation du ciel étoilé chez tout esprit méditatif, surtout s’il se remémore que chaque étoile de la voie lactée est un soleil dans le genre du nôtre ; que chaque nébuleuse spirale est une voie lactée dont la lumière met des millions d’années à nous parvenir. Considérée à la même échelle, l’importance de la terre et du genre humain qu’elle porte, s’évanouit dans l’infiniment petit ; mais ce sont là pensées qui ressortissent aux domaines esthétique ou éthique, aussi convient-il de les éliminer dès lors qu’il s’agit, comme ici, de question se référant uniquement à la théorie de la connaissance. C’est pourquoi nous continuerons à suivre le cours de nos idées sans nous préoccuper d’autre chose que de leur rigueur logique.

D’après la doctrine positiviste, les perceptions sensibles, étant une donnée primitive et constituant la réalité immédiate, il est donc, par principe, faux de parler d’illusions des sens. Ce ne sont pas nos sensations elles-mêmes qui peuvent quelquefois nous induire en erreur, mais les conclusions que nous en tirons. Si nous enfonçons un bâton dans l’eau, il nous apparaît brisé au point d’immersion ; mais cette brisure n’est pas une illusion, due à la réfraction de la lumière ; elle doit être regardée comme une perception optique véritable. Si nous adoptons une autre manière de parler et si nous disons que notre perception sensible se comporte comme si le bâton était droit et comme si les rayons lumineux subissaient une déviation en traversant la surface de l’eau, c’est pour de simples raisons de commodité. L’essentiel de toutes ces considérations et de bien d’autres, analogues, c’est que le positivisme maintient, en droit, la balance parfaitement égale entre les deux manières de s’exprimer ; c’est pourquoi il est absurde, selon lui, de chercher à trancher entre elles,