Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/208

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autrement qu’en se plaçant au simple point de vue de la commodité. La priorité accordée au sens du toucher ne serait donc qu’une priorité purement pratique.

En fait, on ne saurait le nier, en poussant jusqu’à ses dernières limites la théorie du « comme si » on aboutirait à de bien étranges conséquences. Mais il n’en est pas moins vrai qu’au point de vue purement logique elle est inattaquable.

Il va de soi que les mêmes remarques s’appliquent aux objets animés. Pour le positiviste, un arbre n’est pas autre chose qu’un complexe de sensations. Nous pouvons le voir pousser, entendre le bruissement de ses feuilles, respirer le parfum de ses fleurs ; mais si nous faisons abstraction de tout cela, il ne reste absolument rien à quoi la qualification d’arbre « en soi » puisse être attribuée.

Ce qui vaut pour le règne végétal, vaut aussi pour le règne animal. C’est donc seulement pour des raisons de commodité que nous disons, à propos d’un animal, qu’il a une existence autonome et possède une vie propre. Un ver que l’on écrase, cela tout le monde peut le voir ; mais il n’y a aucun sens à se demander si ce ver éprouve de la douleur. Nous ne sentons, en effet que notre propre douleur, nous admettons l’existence, celle d’un animal, parce que cette hypothèse est celle qui permet de rendre plus commodément compte de certains phénomènes concomitants, tels que les mouvements rétractiles, les contorsions, les cris qui accompagnent aussi notre propre douleur.

Passons enfin de l’animal à l’homme, dans ce cas, le positivisme réclame une séparation radicale entre nos propres impressions et celles des autres. Il n’y a, en effet, à être absolument réelles que nos propres impressions ; celles des autres hommes ne sont que le résultat d’une inférence indirecte. C’est pourquoi, à parler en toute rigueur, il convient de classer ces impressions parmi les inventions.

Il est bien certain qu’on peut aller jusqu’au bout dans cet ordre d’idées sans jamais craindre de tomber dans la contradiction logique et, pourtant, il n’en est pas moins vrai que la science physique se trouve être amenée ainsi dans une situation bien périlleuse. En effet, si cette science a pour unique objet, à parler en toute rigueur, nos