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le spectacle qui attend celui qui regarde une préparation de ce genre sous le microscope est de ceux qui ne se peuvent oublier. Il semble que l’on pénètre dans un monde entièrement nouveau. Au lieu de l’immobilité sépulcrale qu’il était naturel d’imaginer, l’observateur assiste à la plus échevelée des sarabandes de la part des particules suspendues et, chose remarquable, les particules qui se démènent le plus follement sont justement les plus petites. Il est impossible de déceler de la part du liquide aucun frottement qui freinerait le mouvement. Si, par hasard une particule vient à s’arrêter, une autre entre aussitôt à sa place dans la danse. Devant un tel spectacle, il est impossible de ne pas songer à l’activité fiévreuse d’une fourmilière que l’on aurait bouleversée avec un bâton. Mais tandis que les insectes finissent par se remettre peu à peu de leur excitation et même par perdre toute activité quand la nuit tombe, les particules ne montrent pas la moindre trace de fatigue tant que la température du liquide reste constante. Nous sommes donc en présence d’un « perpetuum mobile » au sens le plus strict du mot et non pas dans une des nombreuses acceptions figurées qui ont été données à ce terme.

L’explication de ce phénomène, découvert par le botaniste anglais Brown, a été donnée il y a déjà 25 ans par le Français Gouy. D’après ce physicien, le mouvement brownien est causé par l’agitation thermique des molécules du liquide. Ces molécules invisibles, par leurs chocs incessants contre les particules visibles qui flottent disséminées parmi elles, provoquent les mouvements irréguliers observés. Mais la preuve décisive de l’exactitude de cette opinion n’a été apportée que tout récemment.

Smoluchowski est en effet parvenu à formuler une théorie statistique du mouvement brownien dont on peut déduire les lois régissant la densité de répartition des particules, leurs vitesses, la valeur de leur parcours et même la valeur de leurs rotations. Ces lois ont été brillamment vérifiées par l’expérience, grâce surtout aux travaux de Jean Perrin.

Pour tout physicien qui croit à la valeur de la méthode inductive, il n’y a donc aucun doute : la matière possède une structure atomique. La chaleur est identique aux mou-