Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/63

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vements des molécules et la conductibilité thermique, comme tous les autres phénomènes irréversibles obéit à des lois statistiques, c’est-à-dire à des lois de probabilité et non à des lois dynamiques. À vrai dire, il est extrêmement difficile de se faire une idée, même approximative, de l’incroyable petitesse de la probabilité qu’il y a à ce que, même pour un court instant, la chaleur suive la direction inverse de celle qui lui est habituelle, en passant, par exemple, de l’eau froide dans le fer chaud. Supposons que l’on extraie au hasard des lettres d’un sac qui en contient une grande quantité et qu’on les place côte à côte dans l’ordre où on les a tirées, on conçoit qu’il est possible d’obtenir par ce moyen un texte pourvu d’un sens, peut-être même une poésie de Gœthe. Au jeu de dés, il est également possible d’amener cent fois de suite le six, car le résultat de chaque coup est indépendant de celui du coup précédent. Et pourtant, cela n’empêche pas que si quelque chose de semblable venait à se produire réellement, personne n’hésiterait à affirmer que le jeu n’est pas loyal ou bien que les dés ne possèdent sans doute pas une symétrie parfaite et personne ne serait assez déraisonnable pour s’inscrire en faux contre une telle manière de voir. La probabilité pour que le phénomène en question ait eu lieu dans des conditions normales est, en effet, par trop faible. Or cette probabilité est tout à fait énorme par rapport à la probabilité qu’il y a pour que la chaleur passe, même une seule fois, d’un corps froid dans un corps chaud. Dans le cas du dé, il ne peut y avoir que 6 cas possibles correspondant à 6 nombres différents inscrits sur ses faces.

Dans le cas des lettres, il s’agit de 25 possibilités différentes ; mais dans le cas des molécules c’est un grand nombre de millions qui peuvent se trouver dans le plus petit espace visible, et de plus ces molécules sont animées des vitesses les plus diverses.

Au point de vue pratique la possibilité d’exceptions aux lois de conductibilité thermique ne saurait donc entraîner aucun inconvénient.

Au point de vue théorique, il en est tout autrement. Aux yeux de tout le monde il est en effet évident qu’une probabilité, fût-elle aussi petite qu’on le voudra, est séparée d’une impossibilité par un abîme infranchissable. D’ail-