Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces difficultés et les a inscrites à son ordre du jour ; mais il en reste nombre d’autres qui ont été laissées de côté. L’existence de ces lacunes met tout esprit soucieux de systématique dans un état d’insatisfaction pénible.

Dans la théorie de Bohr il y a, en effet, tout un ensemble d’hypothèses qui sont à la base de toutes les lois d’action ; or ces hypothèses sont telles qu’aucun physicien n’eût hésité à les repousser, il y a seulement une génération. Qu’il y ait dans l’atome certaines trajectoires privilégiées déterminables par des lois quantiques, cela peut paraître à la rigueur acceptable, on voit déjà moins bien comment les électrons qui circulent sur ces trajectoires n’émettent aucune énergie. Mais que la fréquence, si parfaitement délimitée d’un quantum de lumière, puisse être différente de la fréquence de l’électron émetteur, voilà ce qui ne peut manquer de paraître au premier abord singulièrement hardi aux yeux de tout physicien imbu des théories de l’école classique, et presque incompatible avec tout ce qui se peut imaginer.

Mais les chiffres décident en dernier ressort et il en résulte que les rôles se sont peu à peu renversés. Dans les débuts le problème paraissait se réduire à introduire, plus ou moins péniblement, un élément étranger dans un édifice dont la solidité était généralement reconnue comme indiscutable. Aujourd’hui c’est le nouveau venu qui a pris l’offensive après s’être introduit dans la place et il n’est pas douteux qu’il ne parvienne à disloquer la vieille construction. La seule question est de savoir par où commencera cette destruction et jusqu’où elle ira.

S’il est permis de se livrer, dès maintenant, à des conjectures sur l’issue de la bataille acharnée qui se poursuit actuellement, on peut dire qu’il est à prévoir que les grands principes de la thermodynamique, non seulement ne perdront pas leur position centrale dans la théorie des quanta, mais qu’ils seront au contraire généralisés. L’hypothèse adiabatique de P. Ehrenfest[1] joue vis-à-vis de la théorie des quanta un rôle analogue au rôle des expériences purement conceptuelles de la thermodynamique classique et, de même que pour arriver à mesurer l’entropie, R. Clausius a formulé l’hypothèse de la possibilité pour deux états quelconque d’être reliés l’un à l’autre par

  1. P. Ehrenfest : Ann. d. Physik, vol. 51, p. 327 (1916).