Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/90

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à toutes celles qui se sont exercées dans ce domaine ; mais je crois avoir mon mot à dire et ce qui m’amène à le penser, c’est la constatation d’un fait aussi manifeste que troublant.

Après tout ce qui a été pensé et écrit au cours des siècles sur le problème en question, on devrait pouvoir affirmer, que si nous ne sommes pas parfaitement capables de le résoudre, nous en approchons d’autant plus que tous les penseurs sont parvenus à se mettre d’accord sur certains de ses points fondamentaux. Or ce que nous constatons en réalité, c’est plutôt le contraire. Il y a déjà longtemps que l’importance de la loi de causalité dans la nature et dans le monde spirituel, le sensible et le suprasensible, le libre-arbitre et le serf-arbitre n’avaient pas donné lieu à d’aussi violentes discussions que de nos jours et l’on peut dire, que sur tout cela, dans une large mesure, il règne à présent une obscurité des moins réjouissantes. On dirait presque que l’humanité pensante se partage sur cette question en deux camps adverses. Dans le premier camp ceux que préoccupe avant tout la science : ils voient dans une causalité rigoureuse, même pour les phénomènes spirituels, un postulat indispensable à la recherche scientifique et, par suite, ils n’hésitent pas à payer, du sacrifice même de leur libre arbitre, une intelligence totale des secrets que recèle en ses profondeurs la constitution de l’univers.

Dans l’autre camp, ceux que leur nature porte plutôt à l’action : leur sens intime se révolte contre cette exigence qui les rabaisse au rang de pâles automates en les soumettant à la tyrannie de lois rigides et, par suite, ils prétendent que le libre arbitre est le bien suprême de l’homme doué de pensée et ils voudraient restreindre aussi fortement que possible, sinon rejeter complètement, comme cela leur semblerait préférable, l’application de la loi de causalité, tout au moins dans le domaine de la vie supérieure de l’âme.

Entre les deux camps s’agite un nombre encore plus grand d’esprits hésitants et circonspects. Ils sentent confusément, mais avec force, que les deux partis, en un certain sens, pourraient bien avoir raison ; et cela les empêche d’adhérer complètement à l’un ou à l’autre. En quel point