Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/268

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heureux que si, échappant à ces supplices, il devenait tyran, passait sa vie entière, maître dans sa ville, libre de faire tout ce qui lui plaît, objet d’envie pour ses concitoyens et pour les étrangers, et regardé comme heureux par tout le monde ? Et tu prétends qu’il est impossible de réfuter de pareilles absurdités ?

SOCRATE.

Tu cherches de nouveau à m’épouvanter, brave Polus ; mais tu ne me réfutes point : tout-à-l’heure tu appelais des témoins à ton secours. Quoi qu’il en soit, rappelle-moi une petite chose : as-tu supposé que cet homme aspirât injustement à la tyrannie ?

POLUS.

Oui.

SOCRATE.

Cela étant, l’un ne sera pas plus heureux que l’autre, ni celui qui a réussi à s’emparer injustement de la tyrannie, ni celui qui a été puni ; car il ne saurait se faire que de deux malheureux l’un soit plus heureux que l’autre. Mais le plus malheureux des deux est celui qui a échappé au châtiment, et s’est mis en possession de la tyrannie. Qu’est ceci, Polus ? Tu ris ? C’est sans doute encore une nouvelle manière de réfuter, que de rire au nez d’un homme, sans alléguer aucune raison contre ce qu’il dit.