Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/28

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contre quelqu'un qui soit habile dans la médecine des âmes. Si donc tu t'y connais, et que tu saches ce qui est bon ou mauvais, tu peux aller acheter en toute sûreté des sciences chez Protagoras et chez tous les autres sophistes ; mais si tu ne t'y connais pas, prends bien garde, mon cher Hippocrate, de hasarder ce que tu as de cher au monde ; car le risque est plus grand dans l'emplette des sciences que dans celle des alimens : après qu'on a acheté des alimens, d'un marchand domestique ou forain, on peut les emporter chez soi dans d'autres vaisseaux ; et avant d'en prendre, on a le temps de consulter et d'appeler à son aide quelque expert qui vous dise ce qu'il faut ou ce qu'il ne faut pas boire et manger, la quantité qu'on en peut prendre, et le temps où on peut la prendre ; de sorte que le danger n'est pas bien grand. Mais il n'en est pas de même des sciences ; on ne peut les mettre dans aucun autre vaisseau que dans son âme, et dès que l'emplette est faite, le prix payé, et qu'on les a reçues dans son âme, le bien ou le mal est fait sans ressource. Consultons donc des gens plus âgés et plus expérimentés que nous ; car nous sommes trop jeunes pour décider dans une affaire si importante. Cependant allons, puisque le parti en est pris ; nous entendrons ce que dira cet homme, et après l'avoir entendu,