Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/323

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qu’ils peuvent jouir de tous les biens de la vie, sans que personne les en empêche, ils se donneraient eux-mêmes pour maîtres les lois, les discours et la censure du vulgaire ? Comment cette beauté prétendue de la justice et de la tempérance ne les rendrait-elle pas malheureux, puisqu’elle leur ôterait la liberté de donner plus à leurs amis qu’à leurs ennemis, et cela tout souverains qu’ils sont dans leur propre ville ? Telle est, Socrate, la vérité des choses, que tu cherches, dis-tu. La volupté, l’intempérance, la licence, pourvu qu’elles aient des garanties, voilà la vertu et la félicité. Toutes ces autres belles idées, ces conventions contraires à la nature, ne sont que des extravagances humaines, auxquelles il ne faut avoir nul égard.

SOCRATE.

Tu viens, Calliclès, d’exposer ton sentiment avec beaucoup de courage et de liberté : tu t’expliques nettement sur des choses que les autres pensent, il est vrai, mais qu’ils n’osent pas dire. Je te conjure donc de ne te relâcher en aucune manière, afin que nous voyions clairement quel genre de vie il faut embrasser. Et dis-moi, tu soutiens que, pour être tel qu’on doit être, il ne faut point gourmander ses passions, mais leur lâcher la bride, et se ménager d’ailleurs