Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CALLICLÈS.

C’est cela même, Socrate. Comment, en effet, un homme serait-il heureux, s’il est asservi à quoi que ce soit ? Mais je vais te dire avec toute liberté ce que c’est que le beau et le juste dans l’ordre de la nature. Pour mener une vie heureuse, il faut laisser prendre à ses passions tout l’accroissement possible, et ne point les réprimer ; et lorsqu’elles sont ainsi parvenues à leur comble, il faut être en état de les satisfaire par son courage et son habileté, et de remplir chaque désir à mesure qu’il naît. C’est ce que la plupart des hommes ne sauraient faire, à ce que je pense ; et de là vient qu’ils condamnent ceux qui en viennent à bout, cachant par honte leur propre impuissance. Ils disent donc que l’intempérance est une chose laide, comme je l’ai remarqué plus haut, ils enchaînent ceux qui ont une meilleure nature, et, ne pouvant fournir à leurs passions de quoi les contenter, ils font, par pure lâcheté, l’éloge de la tempérance et de la justice. Et, dans le vrai, pour ceux qui ont eu le bonheur de naître d’une famille de rois, ou que la nature a faits capables de devenir chefs, tyrans ou rois, y aurait-il rien de plus honteux et de plus dommageable que la tempérance ? Tandis