guise, [210c] tout le monde voudra s’y opposer autant que possible, et non-seulement les étrangers, mais encore notre père, notre mère, et si quelqu’un nous touche de plus près ; sur tout cela, il nous faudra obéir à d’autres : ce sera pour nous chose étrangère, car nous n’en aurons pas la jouissance. Admets-tu qu’il en soit ainsi ? — Tout-à-fait. — Pouvons-nous aimer quelqu’un, ou en être aimé, par rapport à ce en quoi nous ne saurions être utiles à rien ? — Pas le moins du monde. — Ce n’est donc pas pour les choses où tu serais inutile que l’on t’aime, et ton propre père comme tous les autres hommes ? — Je ne le [210d] pense pas. — Si donc tu acquiers des lumières, mon enfant, tout le monde deviendra ton ami et te sera dévoué, car tu seras utile et précieux : dans le cas contraire, personne n’aura d’amitié pour toi, ni tes proches, ni ton père, ni ta mère. Et serait-il possible, Lysis, d’être fier quand on ne sait rien[1] ? — Impossible. — Mais si tu as besoin des leçons du maître, c’est que tu n’as pas encore de savoir. — Il est vrai. — Ainsi tu ne vas pas faire le fier puisque tu es encore
- ↑ Ici et dans ce qui suit nous n’avons pu rendre le jeu de mots si naturel en grec et dans la conversation entre μέγα φρονεῖν et φρονεῖν, μεγαλόφρων et ἄφρων.