Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/537

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autant qu'il est possible d'en juger sur un premier aperçu. — Ainsi nous admettons que chaque chose est éminemment amie de son contraire ? — Oui. — Bon ; mais n'est-ce pas en vérité bien étrange, Ménexène ? et n'allons-nous pas voir tomber sur nous sans pitié nos autres habiles raisonneurs, qui nous demanderont si [216b] la haine et l'amitié ne sont pas des choses fort contraires ? Que leur répondrons-nous ? ne sommes-nous pas forcés de leur accorder ce point ? — Nécessairement. — Est-ce que par hasard la haine est amie de l'amitié, ou l'amitié de la haine ? — Pas du tout. — Ou bien peut-être le juste de l'injuste, la tempérance de l'intempérance, le bon du mauvais ? — Je ne le crois pas. — Si pourtant une chose est amie d'une autre en raison de son opposition, il faut bien que celles-ci le soient. — Il est vrai. — Ainsi, ni le semblable n'est ami du semblable, ni le contraire du contraire. — Il ne semble pas. [216c] — Eh bien voyons donc si le principe de l'amitié ne réside pas ailleurs, puisqu'il n'est réellement rien de ce que nous avons dit, et si par hasard ce qui n'est ni bon ni mauvais n'est pas ami de ce qui est bon. — Que veux-tu dire ? — Par Jupiter ! je ne le sais trop moi-même ; je ne vais qu'en trébuchant, tant je