Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/547

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l'aimer qu'à cause du mal ; et que le bon n'a par lui-même aucune utilité. — Il me semble qu'il en est ainsi, répondit Ménexène. — Ainsi, repris-je, cet ami auquel se rapportent toutes les autres choses [220e] qui, comme nous le disions, sont aimées en vue d'une autre, ne leur ressemble en rien. Celles-ci en effet sont aimées, à ce que nous prétendons, en vue de quelque chose que nous aimons ; mais l'ami véritable paraît être d'une nature tout opposée : d'après ce que nous venons de dire, il est ami à cause de ce qui est ennemi ; et si ce qui est ennemi venait à disparaître, il cesserait, à ce qu'il semble, de nous être ami. — Je n'en crois rien, du moins d'après ce que nous avons dit. — Par Jupiter, réponds-moi, Ménexène : supposons que le mal ait entièrement disparu ; n'y aura-t-il plus ni faim, ni [221a] soif, ni rien de semblable ? ou bien au contraire la faim n'existera-t-elle pas toujours, aussi long-temps du moins qu'il y aura des hommes et des animaux, mais sans être jamais nuisible, ainsi que la soif et tous les autres appétits de cette sorte, sans qu'ils puissent jamais devenir mauvais, puisque le mal n'est plus ? ou est-ce une question ridicule de demander, qu'y aura-t-il ou que n'y aura-t-il pas alors ? — Qui le sait ? — Au moins, ce que nous savons, c'est que mainte-