Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/245

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Non, par Jupiter.

N’est-il pas vrai que, quand on croit avoir tort, plus on a de générosité dans les sentimens, moins on peut se fâcher, quelque chose que l’on souffre de la part d’un autre, la faim, la soif ou tout autre tourment semblable, lorsqu’on croit qu’il a raison de nous traiter de la sorte ; qu’enfin, comme je l’ai déjà dit, la colère en nous ne saurait s’élever contre lui ?

Cela est vrai.

Et qu’au contraire, si l’on se croit victime d’une injustice, alors on s’enflamme, on s’irrite, on combat pour ce que l’on regarde comme la justice ; on supporte, sans se laisser abattre, la faim, la soif et tous les autres tourmens qu’on éprouve, et l’on ne cesse pas de faire de généreux efforts jusqu’à ce qu’on en obtienne satisfaction ou qu’on succombe, ou que rappelé à soi par la raison, toujours présente en nous, on se soit apaisé comme le chien sous la main du berger ?

Cette comparaison est d’autant plus convenable, que nous avons établi que, dans notre État, les guerriers doivent être soumis aux magistrats comme des chiens à leurs bergers.

Tu comprends fort bien ce que je veux dire ; mais fais encore cette réflexion.

Laquelle ?

C’est que la colère est évidemment tout autre