Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/49

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l’injustice est utile et profitable à elle-même.

À ces mots, Thrasymaque parut vouloir s’en aller, après nous avoir comme inondé les oreilles, à la manière d’un baigneur, de ce long et impétueux discours ; mais on le retint et on l’obligea de rester pour rendre raison de ce qu’il venait d’avancer. Je l’en priai moi-même avec instance : Quoi ! divin Thrasymaque, lui dis-je, c’est après nous avoir lancé un pareil discours que tu voudrais te retirer, avant de nous faire voir plus clairement ou de voir toi-même si la chose est en effet comme tu dis ! Crois-tu avoir entrepris d’établir une chose de peu d’importance et non la règle de conduite que chacun de nous doit suivre pour tirer le meilleur parti de la vie ?

Et qui vous dit que je pense autrement ? dit Thrasymaque.

Tu en as l’air, repris-je, ou du moins de ne prendre aucun intérêt à nous, et qu’il t’importe peu que nous vivions heureux ou non, faute d’être instruits de ce que tu prétends savoir. De grace, daigne nous instruire. Sois sûr que tu n’auras pas mal placé le bien que tu nous feras à tous tant que nous sommes. Pour moi, je te déclare que je ne suis pas persuadé et que je ne puis croire que l’injustice soit plus avantageuse que la justice, même en supposant que rien ne l’arrête et qu’elle fasse tout ce qu’elle voudra.