Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/144

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mêmes si nous avions raison ou non de dire[1] si souvent qu’il y a des opinions auxquelles il faut avoir égard, d’autres qu’il faut dédaigner ; ou faisions-nous bien de parler ainsi avant que je fusse condamné à mort, et tout-à-coup avons-nous découvert que nous ne parlions que pour parler, et par pur badinage ? Je désire donc examiner avec toi, Criton, si nos principes d’alors me sembleront changés avec ma situation, ou s’ils me paraîtront toujours les mêmes ; s’il y faut renoncer, ou y conformer nos actions. Or, ce me semble, nous avons dit souvent ici, et nous entendions bien parler sérieusement, ce que je disais tout-à-l’heure, savoir, que parmi les opinions des hommes, il en est qui sont dignes de la plus haute estime, et, d’autres qui n’en méritent aucune. Criton, au nom des dieux, cela ne te semble-t-il pas bien dit ? Car, selon toutes les apparences humaines, tu n’es pas en danger de mourir demain, et la crainte d’un péril présent ne te fera pas prendre le change : penses-y donc bien. Ne trouves-tu pas que nous avons justement établi qu’il ne faut pas estimer toutes les opinions des hommes, mais, quelques-unes seulement, et non pas même de tous les hommes indifféremment, mais seulement de quelques-uns ? Qu’en dis-tu ? Cela ne te semble-t-il pas vrai ?

  1. Allusion à un entretien antérieur.