Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/212

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de tout élément étranger et sensible, [66a] d’appliquer immédiatement la pure essence de la pensée en elle-même à la recherche de la pure essence de chaque chose en soit, sans le ministère des yeux et des oreilles, sans aucune intervention du corps qui ne fait que troubler l’âme et l’empêcher de trouver la sagesse et la vérité, pour peu qu’elle ait avec lui le moindre commerce ? Si l’on peut jamais parvenir à connaître l’essence des choses, n’est-ce pas par ce moyen ?

À merveille, Socrate, on ne peut mieux parler.

[66b] De ce principe, reprit Socrate, ne s’ensuit-il pas nécessairement que les véritables philosophes doivent penser et même se dire entre eux : il n’y a qu’un sentier détourné qui puisse guider la raison dans ses recherches ; car tant que nous aurons notre corps et que notre âme sera enchaînée dans cette corruption, jamais nous ne posséderons l’objet de nos désirs, c’est-à-dire la vérité ; en effet, le corps nous entoure de mille gênes par la nécessité où nous sommes [66c] d’en prendre soin : avec cela les maladies qui surviennent, traversent nos recherches. Il nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de mille chimères, de mille sottises, de manière qu’en vérité il ne nous laisse pas, comme on dit, une heure de sagesse. Car qui est-ce qui fait naître les guerres, les séditions, les combats ?