Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/257

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bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais fait. Et moi, je pense que je sers Apollon aussi bien qu’eux, que je suis consacré au même dieu, que je n’ai pas moins reçu qu’eux de notre commun maître l’art de la divination, et que je ne suis pas plus fâché de sortir de cette vie ; c’est pourquoi, à cet égard, vous n’avez qu’à parler tant qu’il vous plaira, et m’interroger aussi long-temps que les onze voudront le permettre.

Fort bien, Socrate, repartit Simmias, je te proposerai donc [85c] mes doutes, et Cébès te fera ensuite ses difficultés. Je crois, comme toi, qu’en pareille matière, il est impossible, ou du moins très difficile d’arriver à la vérité dans cette vie ; mais je crois aussi que de ne pas examiner de toutes les manières ce qu’on en dit, sans quitter prise avant d’avoir fait tous ses efforts, c’est l’action d’un lâche : car il faut de deux choses l’une, ou apprendre des autres ce qui en est, ou le trouver de soi-même, ou, si cela est impossible, il faut, parmi tous les raisonnemens humains, choisir celui qui est le meilleur et admet le moins de difficultés, [85d] et s’y embarquant, comme sur une nacelle plus ou moins sûre, traverser ainsi la vie, à moins qu’on ne puisse trouver pour ce voyage un vaisseau plus solide,