Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/259

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faut de toute nécessité que l’harmonie existe quelque part, et que la lyre et les cordes soient rompues et périssent entièrement avant qu’elle reçoive la moindre atteinte. Et toi-même, Socrate, tu te seras aperçu, je crois, que l’idée que nous nous faisons ordinairement de l’âme revient à-peu-près à celle-ci : que notre corps étant composé et tenu en équilibre par le chaud, le froid, le sec et l’humide, notre âme est le rapport de ces principes entre eux, et l’harmonie résulte de l’exactitude et de la justesse de leur combinaison. Or, s’il était vrai que notre âme ne fut qu’une harmonie, [86c] il est évident que quand notre corps est trop relâché ou trop tendu par la maladie ou par les autres maux, il faut nécessairement que notre âme, toute divine qu’elle est, périsse comme les autres harmonies, qui se trouvent dans les instrumens de musique ou dans tout autre ouvrage d’art ; tandis que les restes de chaque corps durent long-temps, [86d] jusqu’à ce qu’ils soient brûlés ou réduits en putréfaction. Vois donc, Socrate, ce que nous pourrons répondre à ces raisons, si quelqu’un prétend que notre âme n’étant qu’un mélange des qualités du corps, périt la première dans ce qu’on appelle la mort.

Socrate alors, promenant ses regards sur nous, comme il avait coutume de faire, et sou-