Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/269

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un reflux continuel, comme l’Euripe[1], et que rien ne demeure un moment dans le même état.

J’en conviens.

Ne serait-ce donc pas une chose déplorable, Phédon, que, quand il y a un raisonnement vrai, solide et intelligible, [90d] pour avoir prêté l’oreille à des raisonnemens qui tantôt paraissent vrais et tantôt ne le paraissent pas, au lieu de s’accuser soi-même et sa propre incapacité, on finît par dépit à transporter la faute avec complaisance de soi-même à la raison ; et qu’on passât le reste de sa vie à haïr et à calomnier la raison, étranger à la réalité et à la science ?

Par Jupiter, m’écriai-je, très déplorable assurément !

Prenons donc garde avant tout, reprit-il, que ce malheur ne nous arrive, et ne [90e] nous laissons pas préoccuper par cette pensée que peut-être il n’y a rien de saint dans le raisonnement : persuadons-nous plutôt que c’est nous qui sommes malades, et qu’il nous faut faire courageusement tous nos efforts pour nous guérir, toi et les autres bien plus que moi, par la raison qu’il vous reste beaucoup de temps à vivre ; [91a] et moi, parce que je vais mourir ; et je

  1. L’Euripe avait le flux et le reflux sept fois le jour, et autant de fois la nuit.