Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/28

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une injustice atroce ; et l’on se jette dans une manifeste contradiction, en jugeant si différemment de la conduite de ces dieux et de la mienne.

Socrate.

Eh ! c’est là précisément, Euthyphron, ce qui me fait appeler en justice aujourd’hui, parce que, quand on me fait de ces contes sur les dieux, je ne les reçois qu’avec peine ; c’est sur quoi apparemment portera l’accusation. Allons, si toi, qui es si habile sur les choses divines, tu es [6b] d’accord avec le peuple, et si tu crois à tout cela, il faut bien de toute nécessité que nous y croyions aussi, nous qui confessons ingénument ne rien entendre à de si hautes matières. C’est pourquoi, au nom du dieu qui préside à l’amitié[1], dis-moi, crois-tu que toutes les choses que tu viens de me raconter, sont réellement arrivées ?

Euthyphron.

Et de bien plus étonnantes, Socrate, que le vulgaire ne soupçonne pas.

Socrate.

Tu crois sérieusement qu’entre les dieux il y a des querelles, des haines, des combats, et tout

  1. Jupiter, qui préside à l’amitié, ὁ φιλίος. Il avait un temple sous ce nom à Mégalopolis (PAUSAN. Arcad. chap. 3).