Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/289

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bien, qui seul lie et soutient tout, ils le rejettent ! Quant à moi, pour apprendre ce qu’il en est de ce mystère, je me serais fait volontiers le disciple de tous les maîtres possibles ; mais ne pouvant y parvenir ni par moi-même ni par les autres, veux-tu, Cébès, que je te raconte dans quelle voie nouvelle je suis entré ?

Je brûle de l’apprendre, dit Cébès.

Après m’être lassé à chercher la raison de toutes choses, je crus que je devais bien prendre garde qu’il ne m’arrivât ce qui arrive à ceux qui regardent une éclipse de soleil ; il y en a qui perdent la vue, s’ils n’ont la précaution de regarder dans l’eau, ou dans quelque autre milieu, l’image de cet astre. Je craignis aussi de perdre les yeux de l’âme, si je regardais les objets avec les yeux du corps, et si je me servais de mes sens pour les toucher et pour les connaître : je trouvai que je devais avoir recours à la raison, et regarder en elle la vérité des choses. Peut-être que l’image dont je me sers pour m’expliquer n’est pas entièrement juste ; car moi-même je ne tombe pas d’accord que celui qui regarde les choses dans la raison les regarde plutôt dans un milieu, que celui qui les voit dans leur apparence sensible : mais, quoi qu’il en soit, voilà le chemin que je pris, et depuis ce temps-là, supposant toujours le