Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/477

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dit que le pourceau, le cynocéphale, ou quelque être encore plus bizarre, capable de sensation, est la mesure de toutes choses. C’eût été là un début magnifique et tout-à-fait insultant pour notre espèce, par lequel il nous eût donné à entendre que, tandis que nous l’admirons comme un dieu pour sa sagesse, il ne l’emporte pas en intelligence, je ne dis point sur un autre homme, mais sur une grenouille gyrine[1]. Que dire en effet, Théodore ? Si les opinions qui se forment en nous par le moyen des sensations, sont vraies pour chacun ; si personne n’est plus en état qu’un autre de prononcer sur ce qu’éprouve son semblable, ni plus habile à discerner la vérité ou la fausseté d’une opinion ; si au contraire, comme il a souvent été dit, chacun juge uniquement ce qui se passe en lui, et si tous ses jugemens sont droits et vrais : pourquoi, mon cher ami, Protagoras serait-il savant, au point de se croire en droit d’enseigner les autres, et de mettre ses leçons à un si haut

  1. Grenouille imparfaite de la petite espèce. Il n’est pas plus intelligent qu’une grenouille gyrine, proverbe grec pour marquer combien un homme était stupide.