Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, VII et VIII.djvu/357

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rent, dans leur extravagance, jusqu’à se faire [700e] cette fausse idée de la musique, qu’elle n’a aucune beauté intrinsèque, et que le premier venu, qu’il soit homme de bien ou non, peut très bien en juger sur le plaisir qu’elle lui donne. Leurs pièces étant composées dans cet esprit, et leurs discours y étant conformes, peu à peu ils apprirent à la multitude à ne reconnaître rien de légitime en musique, et à oser se croire en état d’en juger elle-même ; d’où il arriva que [701a] les théâtres, muets jusqu’alors, élevèrent la voix, comme s’ils connaissaient ce qui est beau en musique et ce qui ne l’est pas, et que le gouvernement d’Athènes, d’aristocratique qu’il était, devint une mauvaise théâtrocratie. Encore le mal n’aurait pas été si grand, si la démocratie y eût été renfermée dans les seuls hommes libres ; mais le désordre passant de la musique à tout le reste, et chacun se croyant capable de juger de tout, cela produisit un esprit général d’indépendance : la bonne opinion de soi-même affranchit de toute crainte ; l’absence de crainte engendra l’impudence ; et pousser la suffisance[701b] jusqu’à ne pas craindre les jugements de ceux qui valent mieux que nous, c’est à peu près la pire espèce d’impudence ; sa source est une indépendance effrénée.