faire : c’est ce qu’on appelle l’amour-propre ; amour, dit-on, qui est naturel, légitime et même nécessaire. Mais il n’en est pas moins vrai que, lorsqu’il est excessif, il est la cause ordinaire de toutes nos erreurs. Car l’amant s’aveugle sur ce qu’il aime ; il juge mal de ce qui est juste, bon et beau, quand il croit devoir toujours préférer ses intérêts à ceux de la vérité. Quiconque veut devenir un grand homme ne doit pas s’aimer lui-même et ce qui tient à lui ; il ne doit aimer que le bien, soit en lui-même, soit dans les autres. C’est encore par cette illusion que tant de gens prennent leur ignorance pour du savoir : on se persuade qu’on sait tout, quoiqu’on ne sache pour ainsi dire rien ; on refuse de remettre aux soins d’autrui ce qu’on ignore, et on tombe dans sa conduite en mille fautes inévitables. Il est donc du devoir de tout homme d’être en garde contre cet amour désordonné de soi-même, et de ne pas rougir de s’attacher à ceux qui valent mieux que soi.
Il est encore d’autres préceptes de moindre conséquence, souvent répétés, également utiles et dont il est bon de renouveler le souvenir, afin qu’à mesure qu’un discours s’écoule, un autre prenne sa place, car la mémoire est la source où se renouvelle sans cesse la sagesse.