que les hommes se plaignent des dieux, et les accusent d’être la cause de leurs maux ; tandis que ce sont eux-mêmes qui, par leurs vices ou leurs folies,
Se rendent misérables [142e] malgré le sort[1].
Et c’est pourquoi, Alcibiade, je trouve bien du sens à ce poète qui, ayant, comme je pense, des amis fort imprudens, et leur voyant faire tous les jours et demander aux dieux des choses qui leur paraissaient bonnes et qui étaient pourtant très mauvaises, composa pour eux tous en commun une prière ; la voici :
[143a] « Puissant Jupiter, donne-nous les vrais biens, que nous les demandions, ou que nous ne les demandions pas ; et éloigne de nous les maux, quand même nous te les demanderions. »
Cette prière me paraît très belle et très sûre. Si tu y trouves quelque chose à redire, parle.
Il est malaisé de contredire ce qui est bien dit. Mais je songe, Socrate, combien de maux l’ignorance cause aux hommes. C’est elle qui, à notre insu, [143b] nous fait faire tous les jours des choses qui nous sont funestes ; et, ce qu’il y a
- ↑ Homère, Odyssée, liv. I, v. 32 et suiv.