Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/467

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pas les maîtres. Quand la jouissance aura tempéré leur ardeur, comment approuveront-ils ce qu’ils auront fait dans cet état de délire ? D’ailleurs s’il te fallait opter parmi tes amants, dans un petit nombre tu n’aurais pas beaucoup de choix ; choisis au contraire parmi les autres celui qui te convient le mieux, et tu auras le choix entre des milliers de personnes : [231e] n’est-il pas plus probable que dans ce grand nombre tu rencontreras quelqu’un digne de tes faveurs ? Peut-être l’opinion publique te fait-elle peur : tu crains que tes liaisons découvertes ne t’exposent à rougir. [232a] Mais les indiscrétions sont bien plus à craindre de la part d’un amant qui, pour faire envier son sort autant qu’il le juge digne d’envie, est intéressé à faire sonner bien haut les moindres complaisances, à se parer de sa bonne fortune, et à publier partout qu’il n’a point soupiré en vain. Celui qui n’aime pas est bien plus maître de lui-même ; il préférera toujours le bonheur de jouir en secret au plaisir de faire parler de soi. Songe aussi que les amants se font connaître et remarquer de tout le monde en se pressant sur les pas de ceux qu’ils aiment, en ne s’occupant que d’eux seuls, [232b] et finissent par ne pouvoir même leur parler sans éveiller le soupçon qu’une liaison plus intime les unit