Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/468

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déjà ou va bientôt les unir ; mais ceux qui ne sont pas amoureux peuvent vivre sans contrainte dans une douce familiarité : on ne songe pas même à leur en faire un reproche, car il faut bien que par amitié ou autrement on puisse quelquefois s’entretenir. Une autre crainte peut t’arrêter : tu penses peut-être que l’amitié est rarement durable, et qu’une séparation, qui autrement serait également fâcheuse pour tous les deux, [232c] te deviendrait infiniment désavantageuse si elle arrivait après le sacrifice de ce que tu as de plus cher. Mais une telle séparation serait bien plus à craindre de la part d’un amant ; car les amants ont bien des sujets de fâcherie : ils croient que tout se fait à leur préjudice ; c’est pourquoi ils veulent interdire à l’objet aimé toute liaison avec d’autres personnes ; ils craignent qu’un plus riche ou un plus instruit ne l’emporte sur eux par l’ascendant de la fortune ou du talent ; enfin ils écartent avec un soin extrême [232d] tous ceux qui possèdent quelque avantage. Ils réussissent ainsi à vous brouiller avec tout le monde, et vous réduisent à un déplorable isolement ; ou bien ton intérêt t’éclaire-t-il sur leurs préventions, c’en est fait de leur amour. Mais celui qui doit à l’estime et non pas à l’amour les faveurs qu’il