Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/470

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intérêt à venir. [233c] Libre d’amour et maître de moi-même, je n’irai pas pour la moindre cause ouvrir mon cœur à des haines furieuses ; au contraire, je ne céderai que lentement au plus léger mouvement de dépit même pour les sujets les plus graves. J’excuserai les torts involontaires, et tâcherai de prévenir les autres ; car tels sont les signes d’une amitié solide et durable. Peut-être aussi crois-tu que l’amitié sans l’amour ne peut jamais être bien vive. [233d] Mais à ce compte, nos enfants, nos pères et nos mères n’auraient donc qu’une faible part à notre tendresse, et nous ne pourrions compter sur la fidélité de nos amis, dont les sentiments n’ont pas leur source dans une semblable passion ! Si tu dis qu’il est juste d’accorder plus à celui qui désire davantage, il faudra donc toujours obliger ceux qui en ont le plus besoin, de préférence à ceux qui en sont les plus dignes. [233e] Ainsi, quand tu donneras un repas, tu y convieras, non tes meilleurs amis, mais les mendiants les plus affamés : car ceux-ci, justement enchantés d’une telle faveur, t’escorteront partout, viendront assiéger ta porte ; et leur joie, leur reconnaissance, leurs bénédictions seront sans égales. Peut-être, au contraire, dois-tu préférer à ceux qui désirent le plus tes faveurs