Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/471

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et n’y ont d’autre titre que leur amour, ceux qui sauront le mieux les récompenser [234a] et qui en sont le plus dignes ; à ceux qui voudraient cueillir en passant la fleur de ta jeunesse, ceux qui à tout âge partageront avec toi leur existence ; à ceux qui ne désirent que pour se vanter d’avoir obtenu, ceux dont la fidélité saura garder ton secret ; à ceux qui une fois satisfaits chercheront un prétexte pour te haïr, ceux qui, longtemps après la saison des plaisirs, [234b] se croiront encore obligés de justifier ton estime. Pèse ces réflexions, et considère en outre que les amants sont exposés sans cesse aux remontrances de leurs amis, qui veulent les détourner d’une passion funeste. Au contraire, ceux qui n’aiment pas ont-ils jamais été réprimandés de ne pas aimer, et la tranquillité de l’âme a-t-elle jamais passé pour nuisible ? Tu me demanderas peut-être si je te conseille la même complaisance pour tous ceux qui ne sont pas amoureux : mais sans doute un amant ne t’engagerait pas non plus à traiter de même [234c] tous tes amants : car des faveurs trop partagées ne mériteraient plus la même reconnaissance, et il ne te serait plus aussi facile de les tenir secrètes. Il faut que notre intelligence ne nuise mi à l’un ni à l’autre, et nous soit utile à tous