Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amant plus âgé. Il voudrait ne quitter celui qu’il aime ni le jour ni la nuit. Il est sans cesse [240d] attaché à sa poursuite par l’entraînement irrésistible d’une passion fougueuse, qui à chaque instant fait entrer le plaisir dans son cœur par l’ouïe, par la vue, par le toucher, par tous les sens, lorsqu’il est auprès de l’objet chéri, de sorte qu’il trouve le plus grand plaisir à le servir sans relâche. Mais de son côté quels plaisirs lui donnera-t-il en dédommagement de l’extrême ennui qu’il lui cause pendant tout ce temps ? Toujours en face d’un corps usé et d’un visage flétri par les années, sans parler des autres dégoûts qui en dépendent [240e] et qu’on ne peut exprimer, encore moins éprouver sans une extrême répugnance, il faut pourtant bien qu’il subisse ce triste commerce sous la garde d’une jalousie inquiète et soupçonneuse, accablé de louanges folles et excessives comme de reproches insupportables qu’il vous adresse même dans son bon sens, à plus forte raison quand sa langue déliée par l’ivresse, ne gardant plus ni frein ni retenue, répand sur vous l’outrage et la honte.

Son amour, tant qu’il durera, sera donc aussi déplaisant que nuisible ; mais quand il aura cessé, ne comptez plus sur sa fidélité ; il oubliera jusqu’aux promesses qu’il accompagnait