Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tant de serments et de prières, lorsqu’à peine l’attente des biens qu’il vous promettait, vous faisait supporter [241a] votre pénible servitude. Le moment est venu de s’acquitter ; mais il a changé de maître, et il vit sous d’autres lois. La raison et la sagesse ont remplacé l’amour et la folie ; ce n’est plus lui : il est devenu tout autre à l’insu du jeune homme qu’il chérissait. Celui-ci réclame encore le prix de ses complaisances passées : rappelle-toi, dit-il à l’infidèle, tes propres paroles, tes propres actions. Comme s’il parlait toujours au même homme ! Mais lui, sans oser convenir de son changement, sans pouvoir encore se débarrasser des serments et des promesses [241b] qu’il a faites sous l’empire de sa folle passion, est déjà pourtant assez maître de lui-même, assez éclairé pour ne pas vouloir retomber dans le même égarement ni redevenir ce qu’il était. Pour sortir de cette position fâcheuse, il se voit obligé de délaisser l’objet de sa passion usée, et l’écaille[1] étant retournée, de poursuivant il de-

  1. Allusion à l’ὀστρακίνδα, jeu de l’écaille, où deux troupes d’enfants, l’une au couchant, l’autre au levant, se poursuivaient tour à tour, selon qu’une écaille, blanche d’un côté et noire de l’autre pour représenter le jour et la nuit, jetée en l’air, retournait noir ou blanc, ce qui amenait des changements soudains dans la situation des deux partis, qui de fuyards devenaient poursuivants, ou de poursuivants fuyards. Voyez Hermias, le Scholiaste, Suidas, et Pollux, IX, 111.