Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/510

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en apercevant la beauté sur la terre, se ressouvient de la beauté véritable, prend des ailes et brûle de s’envoler vers elle ; mais dans son impuissance il lève, comme l’oiseau, ses yeux vers le ciel ; et négligeant les affaires d’ici-bas, il passe pour un insensé. [249e] Eh bien, de tous les genres de délire, celui-là est, selon moi, le meilleur, soit dans ses causes, soit dans ses effets, pour celui qui le possède et pour celui à qui il se communique ; or, celui qui ressent ce délire et se passionne pour le beau, celui-là est désigné sous le nom d’amant. En effet nous avons dit que toute âme humaine doit avoir contemplé les essences, puisque sans cette condition aucune âme ne peut passer [250a] dans le corps d’un homme. Mais il n’est pas également facile à toutes de s’en ressouvenir, surtout si elles ne les ont vues que rapidement, si, précipitées sur la terre, elles ont eu le malheur d’être entraînées vers l’injustice par des sociétés funestes, et d’oublier ainsi les choses sacrées qu’elles avaient vues. Quelques-unes seulement conservent des souvenirs assez distincts ; celles-ci, lorsqu’elles aperçoivent quelque image des choses d’en haut, sont transportées hors d’elles-mêmes et ne peuvent plus se contenir, mais elles ignorent la cause de leur émotion, [250b] parce qu’elles ne remarquent pas assez