Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/622

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MENON.

Au contraire, ton discours me paraît très sensé.

SOCRATE.

Ainsi réponds-moi de nouveau. En quoi faites-vous consister la vertu, toi et ton ami ?

MENON.

J’avais déjà ouï dire, Socrate, avant que de converser [80a] avec toi, que tu ne savais autre chose que douter toi-même, et jeter les autres dans le doute : et je vois à présent que tu me fascines l’esprit par tes charmes et tes maléfices, enfin que tu m’as comme enchanté, de manière que je suis tout rempli de doutes. Et, s’il est permis de railler, il me semble que tu ressembles parfaitement, pour la figure et pour tout le reste, à cette large torpille marine qui cause l’engourdissement à tous ceux qui l’approchent et la touchent. Je pense que tu as fait le même effet sur moi : car je suis véritablement engourdi [80b] d’esprit et de corps, et je ne sais que te répondre. Cependant j’ai discouru mille fois au long sur la vertu devant beaucoup de personnes, et fort bien, à ce qu’il me paraissait. Mais à ce moment je ne puis pas seulement dire ce que c’est. Tu prends, à mon avis, le bon parti, de ne point aller sur mer, de voyager en d’autres pays : car si tu faisais la même