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LE BANQUET.

c’est aussi de tous les dieux celui qui fait le plus de bien aux hommes. Car je ne connais pas de plus grand avantage pour un jeune homme que d’avoir un amant vertueux ; et pour un amant que d’aimer un objet vertueux. Il n’y a ni naissance, ni honneurs, ni richesses, rien enfin qui soit capable, comme l’Amour, d’inspirer à l’homme ce qu’il faut pour se bien conduire : [178d] je veux dire la honte du mal et l’émulation du bien ; et sans ces deux choses, il est impossible que ni un particulier, ni un état, fasse jamais rien de beau ni de grand. J’ose même dire que si un homme qui aime avait ou commis une mauvaise action, ou enduré un outrage sans le repousser, il n’y aurait ni père, ni parent, ni personne au monde devant qui il eût tant de honte de paraître [178e] que devant ce qu’il aime. Il en est de même de celui qui est aimé : il n’est jamais si confus que lorsqu’il est surpris en quelque faute par son amant. De sorte que, si par quelque enchantement un état ou une armée pouvait n’être composée que d’amans et d’aimés, il n’y aurait point de peuple qui portât plus haut l’horreur du vice et l’émulation de la vertu. [179a] Des hommes ainsi unis, quoique en petit nombre, pourraient presque vaincre le monde entier. Car il n’y a personne