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LE BANQUET.

mettent tout à un amant. Il n’y a personne qui là-dessus ne demeure persuadé qu’il est très louable en cette ville et d’aimer et de vouloir du bien à ceux qui nous aiment. Cependant, si l’on regarde, d’un autre côté, avec quel soin un père met auprès de ses enfants un gouverneur qui veille sur eux, et que le plus grand devoir de ce gouverneur est d’empêcher qu’ils ne parlent à ceux qui les aiment, que leurs camarades même, s’ils les voient entretenir de pareils commerces, les accablent de railleries, et que [183d] les gens plus âgés ne s’opposent point à ces railleries et ne blâment pas ceux qui s’y livrent, à examiner cet usage de notre ville, ne croirait-on pas que nous sommes dans un pays où il y a de la honte à aimer et à se laisser aimer ? Voici comme il faut accorder cette contradiction. L’amour, comme je disais d’abord, n’est de soi-même ni bon ni mauvais ; il est bon, si l’on aime selon les règles de l’honnêteté ; il est mauvais, si l’on aime contre ces règles. Or, il est déshonnête d’accorder ses faveurs à un homme vicieux pour de mauvais motifs ; il est honnête de se rendre à l’amour d’un homme qui a de la vertu et pour des motifs vertueux. J’appelle homme vicieux, cet amant populaire [183e] qui aime le corps plutôt que l’âme ; car son amour ne