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LE BANQUET.

saurait être de durée, puisqu’il aime une chose qui ne dure point ; dès que la fleur de la beauté qu’il aimait est passée, vous le voyez qui s’envole ailleurs, sans se souvenir de ses beaux discours et de toutes ses belles promesses. Il n’en est pas ainsi de l’amant d’une belle âme : il reste fidèle toute la vie, car ce qu’il aime ne change point. Telle est donc l’opinion [184a] parmi nous : elle veut qu’on examine avant de s’engager, qu’on se rende aux uns, et qu’on fuie les autres ; elle encourage à se donner à ceux-ci, à éviter ceux-là ; elle examine et discerne de quelle espèce est celui qui aime et celui qui est aimé. Il s’ensuit qu’il y a de la honte à se rendre promptement, et qu’on exige l’épreuve du temps. Il est encore honteux de céder à un homme riche ou puissant, [184b] soit qu’on se rende par crainte et par faiblesse, ou qu’on se laisse éblouir par l’argent, ou par l’espérance d’entrer dans les emplois : car, outre que des raisons de cette nature ne peuvent jamais lier une amitié généreuse, elles portent d’ailleurs sur des fondements trop peu durables. Reste un seul motif pour lequel, chez nous, on peut favoriser un amant ; car, tout de même que la servitude volontaire [184c] d’un homme amoureux envers celui qu’il aime, ne passe point pour de l’adulation et ne lui est point repro-