Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome I.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
ALCIBIADE

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Nous distinguons l’ouvrier qui découpe et l’outil qui sert à découper.

Alcibiade. — Sans aucun doute.

Socrate. — De même encore, le cithariste et les instruments dont il joue[1].

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Eh bien, c’est là précisément ce que je demandais à l’instant, s’il y a toujours lieu de distinguer d celui qui se sert d’un instrument et l’instrument dont il se sert.

Alcibiade. — Il me semble que oui.

Socrate. — Mais le cordonnier découpe-t-il avec ses outils seulement ou bien aussi avec ses mains ?

Alcibiade. — Avec ses mains aussi.

Socrate. — Il s’en sert donc également.

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Et ses yeux, ne s’en sert-il pas ?

Alcibiade. — Si vraiment.

Socrate. — Or nous sommes d’accord pour distinguer celui qui se sert d’une chose de la chose dont il se sert.

Alcibiade. — En effet.

Socrate. — Par conséquent, le cordonnier et le cithariste sont à distinguer de leurs mains et de leurs yeux, puisqu’ils e s’en servent.

Alcibiade. — Évidemment.

Socrate. — Maintenant, l’homme ne se sert-il pas de son corps tout entier ?

Alcibiade. — Assurément.

Socrate. — Et il est convenu que celui qui se sert d’une chose se distingue de la chose dont il se sert ?

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Par conséquent, l’homme est distinct de son corps ?

Alcibiade. — Il semble que oui.

Socrate. — Qu’est-ce donc que l’homme ?

Alcibiade. — Je ne sais que répondre.

  1. Le terme de cithariste pouvait désigner l’artiste qui jouait non seulement de la cithare, mais d’autres instruments plus ou moins analogues.