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APOLOGIE DE SOCRATE

Alors, pour quelle raison certains auditeurs prennent-ils plaisir à passer beaucoup de leur temps avec moi ? c Croyez-moi, Athéniens, je vous l’ai dit en toute franchise : c’est qu’il leur plaît, en m’écoutant, de voir examiner ceux qui se croient savants et qui ne le sont pas. Et, en fait, cela n’est pas sans agrément. Mais, pour moi, je l’affirme, c’est un devoir que la divinité m’a prescrit par des oracles, par des songes, par tous les moyens dont une puissance divine quelconque a jamais usé pour prescrire quelque chose à un homme.

Ce que je dis là, Athéniens, est vrai et facile à vérifier. d Car si vraiment je suis en train de corrompre certains jeunes gens, si j’en ai déjà corrompu d’autres, que doit-il se passer ? Nécessairement, quelques-uns d’entre eux, ayant mûri, auraient reconnu que je leur avais donné de mauvais conseils dans leur jeunesse, et aujourd’hui ils se présenteraient ici pour m’accuser, pour me faire punir. Ou bien, à supposer qu’ils ne voulussent pas le faire eux-mêmes, quelques membres de leurs familles, pères, frères, ou autres parents, si j’avais fait du mal à leurs proches, ne manqueraient pas de s’en souvenir et d’en demander réparation. Or, beaucoup de ceux-là sont venus ici ; e je les vois : c’est d’abord Criton, mon ami d’enfance, du même dème que moi, père de Critobule ici présent[1] ; puis Lysanias de Sphettos, père d’Eschine, également présent[2] ; et aussi Antiphon de Képhisia, père d’Épigène ; d’autres encore que voici et dont les frères m’ont fréquenté, Nicostratos, fils de Théozotidès et frère de Théodote, — or Théodote est mort, il ne pourrait donc l’influencer par ses instances, — puis Paralos, fils de Démodocos et qui avait pour frère Théagès ; voici encore le fils d’Ariston, Adimante, de qui Platon, 34 ici présent, est le frère ; et Aïantodore, dont j’aperçois le frère, Apollodore[3]. Combien d’autres encore je pourrais nommer ! Est-ce que Mélétos, dans son accusation,

  1. Sur Criton, cf. Notice sur le Criton.
  2. Eschine, dit le Socratique, qu’il ne faut pas confondre avec l’orateur du même nom. Sur sa vie et ses écrits, voir Diog. La., II, c. 7.
  3. Épigène, Théodote, Théagès ne sont guère pour nous que des noms. Épigène toutefois figure dans les Mémor. de Xénophon (III, 12). Théagès est nommé encore dans la Républ. (VI, p. 496 b), où il est fait allusion à sa mauvaise santé ; il figure aussi dans le Théagès, dialogue platonicien apocryphe. Adimante, frère de Platon, qui était