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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome I.djvu/78

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ALCIBIADE

lité qui se manifeste dans ce dialogue. Il me paraît impossible, quant à moi, de l’attribuer à un inconnu qui aurait ainsi recousu des morceaux d’emprunt. En démontant l’œuvre pièce à pièce, comme l’ont fait ces critiques égarés par une mauvaise méthode, on perd de vue l’ensemble, où se révèle la personnalité de l’auteur.

Par sa forme, l’Alcibiade dénote un art qui se cherche encore. S’il est supérieur en variété, en ressources dramatiques, au second Alcibiade et à l’Hippias mineur, il est loin cependant de l’aisance et de l’ampleur du Protagoras et du Gorgias. L’auteur s’en tient toujours à un simple entretien de Socrate avec un interlocuteur unique. Cet entretien se passe en un lieu quelconque, Platon n’ayant pas jugé utile de le situer dans un décor approprié. Bien que le dialogue en lui-même soit vif, parfois amusant, on n’y trouve point de péripéties proprement dites. Et il ne serait guère possible qu’il y en eût ; car les péripéties, dans une œuvre de ce genre, ne peuvent résulter que des sentiments en jeu. Les sentiments eux-mêmes tiennent aux caractères. Or l’interlocuteur de Socrate, le jeune Alcibiade, n’est pas un caractère. Sa présomption juvénile est toute en surface ; elle cède aux premières attaques, pour faire place à une ingénuité quelque peu convenue. Un tel personnage n’a pas la résistance nécessaire pour que le lecteur ait l’impression d’assister à une lutte. Alcibiade se défend à peine. Nous n’avons sous les yeux qu’un maître et un disciple à l’âme malléable. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que ce disciple nous soit indifférent. La naïveté de ses désirs, sa sincérité, son ambition le rendent intéressant. Elles n’en font pas un adversaire sérieux pour le dialecticien ironique et subtil que Platon a mis en face de lui.

Si nous considérons les idées, notre impression est la même ; mais, pour l’analyser avec quelque précision, il faut se rendre compte d’abord des circonstances qui ont dû suggérer à l’auteur l’idée de cette composition.

Socrate avait enseigné qu’une seule chose est vraiment utile à l’homme, prendre soin de son âme, connaître ce qui est juste et s’appliquer à le pratiquer ; tous les autres soucis lui paraissaient secondaires ou même vains ; et il pensait que cela était vrai des États comme des individus. Cette doctrine,