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NOTICE

Platon l’avait adoptée sans réserves. Il allait, un peu plus tard, la développer éloquemment dans l’Apologie, comme le résumé substantiel de la pensée de son maître et aussi comme la sienne. Or, quel spectacle lui offrait alors Athènes, vue de Mégare ? Il y voyait quelques hommes politiques médiocres, qui essayaient de relever la démocratie, toute meurtrie encore de ses désastres récents. Plusieurs d’entre eux, tels qu’Anytos, l’auteur de la condamnation de Socrate, lui étaient personnellement odieux. Leur politique lui semblait inspirée par l’ignorance et par un esprit de basse adulation. Ce qui était nécessaire aux Athéniens, selon lui, c’était une réforme morale. À Mégare, on admirait Sparte victorieuse ; on s’expliquait ses succès par sa discipline, par l’union de ses citoyens, par l’autorité de leurs rois, par sa législation antique et respectée. Platon partageait cette admiration, avec ce qu’elle comportait d’illusion. Il subissait aussi le prestige que les rois de Perse, dans leur majesté lointaine, exerçaient sur l’esprit de beaucoup de Grecs. Plusieurs causes l’entretenaient : leur réputation de richesse, le faste de leur cour, ce qu’on racontait de l’éducation des princes et des jeunes gens des grandes familles, l’influence incontestable qu’ils avaient su prendre dans les affaires helléniques. Si des politiques attentifs et avisés pouvaient déjà discerner sous ces dehors brillants bien des faiblesses, un philosophe était excusable de se montrer moins clairvoyant. Opposant donc par la pensée ces puissances imposantes à l’impuissance actuelle d’Athènes, il estimait que l’avenir de son pays n’était pas dans la poursuite chimérique d’une prédominance devenue impossible, mais plutôt dans la réalisation d’une vie moralement meilleure. Il lui parut qu’il serait utile de mettre en contraste, dans un écrit qui se ferait lire, ces deux conceptions divergentes, celle de la politique d’ambition d’une part, celle de la politique de réforme morale et de justice d’autre part ; et il écrivit l’Alcibiade.

Pourquoi choisit-il Alcibiade comme le représentant de ce qu’il voulait condamner ? Ce fut sans doute surtout parce que le sort même de cet homme d’État, mort misérablement depuis quelques années, semblait être la plus éclatante confirmation de son jugement. Admirablement doué, pourvu de tous les moyens de succès, Alcibiade, par la violence de ses