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LACHÈS

les sujets, est pour les jeunes gens de cet âge un maître parfait[1].

Lysimaque. — Les hommes de ma génération, — ô Socrate, et vous aussi Nicias et Lachès, — connaissent mal la génération qui les suit ; car notre âge nous retient le plus souvent à la maison. Mais si tu as quelque bon conseil à me donner, à moi qui suis de ton dème, ô fils de Sophronisque, tu dois me le donner. Ce sera justice, ecar tu es lié avec moi d’amitié par ton père : nous étions, lui et moi, compagnons et amis, et il est mort avant d’avoir eu avec moi son premier dissentiment. D’ailleurs il me revient à la mémoire des propos de ces jeunes gens qui, dans leurs conversations chez moi, prononcent souvent le nom de Socrate avec beaucoup d’éloges. Mais je ne leur ai jamais demandé 181s’ils parlaient du fils de Sophronisque. Dites-moi, mes enfants, Socrate que voici est bien celui dont vous parlez à tout bout de champ ?

Les enfants. — C’est lui-même, mon père.

Lysimaque. — Par Héra, Socrate, je te félicite de faire honneur au nom de ton père, le meilleur des hommes, et je serai heureux que tout soit commun entre nous.

Lachès. — Attends, Lysimaque ; ne lâche pas encore notre homme : car je l’ai vu faire honneur non seulement à son père, mais aussi à sa patrie. bDans la retraite de Délion, il marchait à mes côtés, et je te déclare que si tous avaient eu la même attitude, Athènes aurait gardé la tête haute au lieu de subir un tel échec[2].

Lysimaque. — Socrate, il est beau de recevoir un pareil éloge d’hommes que l’on peut en croire, et sur un sujet comme celui-là. Sache donc qu’en écoutant ces paroles je me réjouis de te voir en une telle estime, et compte-moi parmi

  1. Ces maîtres de musique, au dire de Protagoras (Protagoras, 316 e), auraient été en quelque sorte des sophistes prudents, cachant leur vraie science sous le déguisement de la musique. Il dit d’ailleurs la même chose de tous les anciens poètes, ce qui donne à cette opinion sa vraie portée : il est exact, en effet, que les poètes ont été les premiers éducateurs de la Grèce, non pas intentionnellement pour la plupart, mais par la force des choses. La poésie est en effet la première forme de littérature que la Grèce ait possédée, et la plus importante jusqu’au ve siècle.
  2. La bataille de Délion est de l’année 424. Les Athéniens y furent vaincus par les Thébains.