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GORGIAS

Polos. — Cela ne me paraît pas résulter, Socrate, de la discussion.

Socrate. — Il faut donc, pour être la laideur suprême, que la méchanceté de l’âme l’emporte prodigieusement par l’énormité du dommage eet du détriment qu’elle cause, puisque, suivant toi, ce n’est pas par la souffrance.

Polos. — Cela paraît évident.

Socrate. — Or il est certain que ce qui cause le plus grand dommage est le plus grand mal qui existe.

Polos. — Oui.

Socrate. — Par conséquent l’injustice, l’intempérance et les autres infirmités de l’âme sont les plus grands des maux ?

Polos. — Je le crois.

Socrate. — Eh bien[1], quel est l’art qui délivre de la pauvreté ? N’est-ce pas l’art de la finance ?

Polos. — Oui.

Socrate. — Et de la maladie ? N’est-ce pas la médecine ?

Polos. — Certainement.

478Socrate. — Et de la méchanceté ainsi que de l’injustice ? Si la question ainsi posée t’embarrasse, posons-la autrement : en quel lieu et chez qui amenons-nous ceux dont le corps est malade ?

Polos. — Chez les médecins, Socrate.

Socrate. — Et les hommes injustes ou intempérants ?

Polos. — Tu veux dire qu’on les mène devant les juges ?

Socrate. — Pour y payer leur faute ?

Polos. — Oui.

Socrate. — Et n’est-ce en vertu d’une certaine justice que l’on punit quand on punit avec raison ?

Polos. — Évidemment.

Socrate. — Ainsi donc, l’art de la finance délivre de la pauvreté, la médecine de la maladie, b{la justice de l’intempérance et de l’injustice.

Polos. — Il y a apparence.

Socrate. — Et laquelle de ces choses est la plus belle ?

  1. Pour s’orienter dans la suite de l’argumentation, on notera la symétrie du développement qui commence ici et va jusqu’aux mots : « Mais ces traitements sont utiles » (478 b), avec celui qui le précède immédiatement (477 a-477 e).